De l’innovation à la nouvelle conformité : les usages complexes des smart drugs
Chercheuse principale : Johanne Collin
Co-chercheurs : Nicolas Le Dévédec, Marcelo Otero
Ce projet est financé par le CRSH (2020-2023).
Le terme smart drugs désigne des médicaments d’ordonnance et autres substances psychotropes utilisés à des fins non médicales pour améliorer l’attention, la mémoire, la concentration, l’éveil, la créativité et, plus globalement, les performances cognitives. Des étudiants y recourent avant leurs examens ou en fin de trimestre, des opérateurs financiers pour prendre de décisions éclairées en vitesse, des chirurgiens pour garder leur concentration pendant de longues périodes, etc. Ces usages mettent en lumière un phénomène solidement établi dont la pertinence sociologique est majeure. De nombreux experts considèrent qu’un tel usage « détourné », ou non médical constitue désormais une tendance irréversible, notamment chez les étudiants de niveau universitaire. Si les études abordant le phénomène se sont multipliées depuis dix ans, c’est essentiellement en l’appréhendant sous l’angle de la tricherie et de la déviance face aux normes médicales et institutionnelle, ou encore, sous l’angle des toxicomanies. Sans nier l’intérêt de ces approches, la sociologie nous amène plutôt vers de nouvelles interrogations.
L’objectif de ce projet de recherche est de mieux comprendre la place du recours aux smart drugs dans différents univers de travail et d’étude. Cette recherche vise à mieux comprendre les modalités et les finalités de ce recours et à analyser les formes d’adaptation aux exigences ordinaires, à l’amélioration de la performance et à la prise d’initiatives novatrices. Nous cherchons à comprendre l’intégration du médicament (et autres substances) comme support qui participe à redéfinir les contours de la conformité.
Pour cerner et analyser les usages complexes et concrets des smart drugs, il est nécessaire de le faire à partir d’études de cas attachées à des métiers spécifiques, mais également suffisamment contrastés pour explorer l’éventail des possibles au niveau des normes, des exigences et habiletés ainsi que des valeurs qui sous-tendent le recours. Nous avons choisi de nous pencher sur quatre cas d’études : le domaine des arts (musiciens d’orchestre), l’économie (experts en finance), la programmation (programmeurs) et la restauration/gastronomie (chefs cuisiniers). Les quatre métiers requièrent des formations spécialisées en lien avec des standards internationaux. Ils sont, en outre et à première vue, contrastés au niveau des types de smart drugs utilisés (bétabloquant, nootropics, psychostimulants).
Pour la réalisation de ce projet de recherche, nous comptons recruter environ 110 participant-e-s, hommes et femmes, âgé-e-s de 18 ans et plus. 30 personnes seront recrutées pour des entretiens individuels (20 étudiants et 10 professeur-e-s et autres personnes ressources) et 80 personnes (étudiant-e-s) seront recrutées pour des entretiens de groupe (10 entretiens avec des groupes de 8 personnes).